Le Moyen Âge (Vème - XVème siècle) est une période de liens très profonds entre le pouvoir royal en construction avec notamment la dynastie capétienne à partir de la fin du Xe siècle et l’Eglise
qui désigne ici l’institution chrétienne qui lui assure son rayonnement et surtout sa légitimité. Quelle est l’origine de ces relations profondes (notamment, à travers l’épisode fondateur du
baptême de Clovis à la fin du Vème siècle) ? Quelles sont leurs principales caractéristiques ?
I L’alliance entre pouvoir royal et Eglise romaine scellée par le baptême de Clovis
Le baptême de Clovis aurait eu lieu le 25 décembre 496. Ce baptême assure à ce roi païen, chef des Francs, un peuple qui se sédentarise dans une partie de l’ancienne Gaule, le soutien de
l’Eglise romaine. Le document qui nous est proposé pour rappeler cette cérémonie est bien
plus tardif, puisque l’enluminure date de la fin du Moyen Âge, du XIVe siècle. Elle permet de voir Rémi, évêque de Reims, à gauche de l’image baptiser Clovis qui, de païen, entre par ce
sacrement dans l’assemblée chrétienne. Le baptême était collectif, ce que ne montre pas du tout l’image, puisque 3000 guerriers francs ont suivi leur roi. En haut de l’image, une colombe apporte
le saint chrême, l’huile sacrée pour oindre le roi des Francs. Les récits du baptême de Clovis dès le IXème siècle font état de cet épisode ("Au moment du baptême de Clovis, le diacre
apportant le saint chrême, pris dans l'embouteillage des fidèles, ne put arriver à temps. Mais une colombe descend du ciel, tenant dans son bec une ampoule remplie d'huile. C'est avec cette huile
miraculeuse que Saint Rémi donna au roi des francs l'onction." Vie de Saint Rémi par l’archevêque de Reims Hincmar, 876). Le document permet de rappeler que ce baptême est un acte fondateur pour
le pouvoir royal en France : c’est l’Eglise chrétienne qui fait du roi un être sacré, ce que montre d’ailleurs l’enluminure en plaçant le roi en position centrale mais aussi d’infériorité par
rapport aux hommes d’Eglise (geste de prière, taille réduite). Dès le Xème siècle, le baptême de Clovis devient un acte fondateur pour la monarchie capétienne en train d’installer son
autorité sur un territoire en construction. C’est le début de l’alliance entre l’Eglise et le roi qui est le lointain héritier du peuple des Francs. La cérémonie du sacre, à Reims, rappelle ainsi
cette alliance.
II Des liens à double sens entre le pouvoir royal et l’Eglise
1. Un pouvoir royal qui tire sa légitimité de son alliance avec l’Eglise
Le sacre du roi capétien fait de lui un homme au dessus des autres hommes, notamment des autres seigneurs, ce qui renforce sa légitimité pour occuper le sommet de la pyramide féodale. Il s’agit,
en effet, pour les rois capétiens d’asseoir leur autorité sur un territoire le plus vaste possible, après l’effondrement du pouvoir royal avec les invasions du IXème-Xe siècles. L’Eglise romaine
leur apporte donc un soutien symbolique important. Dès le Moyen Âge, des pouvoirs thaumaturgiques (comme guérir en touchant les écrouelles), sont également attribués aux rois de France. Les
relations sont encore plus ténues au XIIIe siècle avec Louis IX, canonisé par l’Eglise au début du XIVe siècle, considéré comme le roi très chrétien par excellence.
2. Une Eglise chrétienne liée et dépendante du pouvoir royal
La cérémonie du sacre et les liens entre l’Eglise et le pouvoir confèrent au roi de France une triple mission. Il doit d’abord contribuer à propager la religion chrétienne partout où il le
peut : dans son royaume mais aussi dans les croisades (plusieurs rois se croisent comme Louis VII, Philippe Auguste, Louis IX). Il faut aussi pour les rois lutter contre les ennemis
religieux du christianisme (plusieurs édits expulsent les Juifs hors du royaume de France – 1182, 1306, 1394 -) mais aussi contre les hérétiques (croisades contre les Albigeois en 1208 et en
1226). Enfin, il s’agit pour le roi de propager l’Eglise de Jésus Christ et la papauté en particulier. Le roi de France est donc aussi le protecteur du Clergé.
Ces liens donnent aux rois de France un statut privilégié, eux qui règnent sur la « fille aînée de l’Eglise ». A partir du XIVe siècle, se développe le gallicanisme (doctrine
religieuse et politique revendiquant une certaine autonomie de l’Eglise de France par rapport à l’autorité du pape). Il s’agit de revendiquer notamment pour les légistes du roi la
suprématie du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Ce gallicanisme est renforcé par le fait que les papes s’installent à Avignon au XIVe siècle. A la fin du XIVe siècle, une crise
importante oppose le roi à l’Eglise catholique avec un double pontificat : l’un installé à Avignon, dépendant du roi de France, l’autre à Rome.
CONCLUSION : les relations entre l’Eglise et le pouvoir royal sont très étroites pendant tout le Moyen Âge et même au-delà. C’est un des legs historiques majeurs de la période médiévale. Le
pouvoir royal s’est appuyé sur l’Eglise pour affermir son autorité et cette dernière s’est appuyé sur le premier pour diffuser sa doctrine.