6 février 2011
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SEMAINE DU 22 AU 28 JANVIER
Classe laborieuse, classe dangereuse
Un film de fiction (ou un documentaire) peut-il être le reflet de la réalité ? Certes pas, mais il peut partir d'elle pour mieux
la dénoncer. Le chef d'oeuvre du néoréalisme italien de l'après guerre : Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica en 1948, cette semaine à la télévision, à un horaire
surréaliste : 1 heure 15 du matin !
Dans Nous nous sommes tant aimés, Ettore Scola rend un hommage appuyé à l'illustre film italien de l'après deuxième guerre mondiale, le Voleur de bicyclette. Un
des personnages principaux, Nicola, engagé dans un jeu télévisé, est, en effet, sommé de répondre, pour emporter une somme colossale à une question de cinéphile, ce qui d'ailleurs ne l'effraie
nullement car il a, dans ce domaine réponse, à tout. La question est la suivante : comment Vittorio de Sica s'y est-il pris pour faire pleurer le jeune enfant dans la scène finale
du Voleur de bicyclette ?
Nous ne dévoilerons pas la réponse ni ce qu'il advint de Nicola dans le film de Scola qui, repassera
peut être un jour sur nos écrans de télévision, ce qui serait d'ailleurs une bonne chose car tout honnête homme doit avoir vu au moins une fois dans son existence Nous nous sommes
tant aimés ou La Terrasse, ne serait ce que pour comprendre ce qu'il advient des idéaux de sa jeunesse...
Cette anecdote montre à quel point le film de De Sica a marqué toute une génération de cinéastes et
plus, car il figure très souvent dans le palmarès très subjectif des meilleurs films de l'histoire du cinéma. Pourtant, à sa sortie, comme beaucoup de films dits "néoréalistes", il ne connut
presque aucun succès. La classe politique dirigeante italienne, soucieuse de reconstruire l'Italie après la terrible épreuve du fascisme, entendait faire du cinéma un vecteur de distraction (en
témoigne notamment la série franco-italienne des célébrissimes Don Camillo). Or, le Voleur de bicyclette à partir d'une intrigue minimaliste, un chômeur contraint
à un vol pour nourrir sa famille, n'était pas dans cette veine là. Le film, comme d'autres, fut accusé de donner au peuple italien et au monde entier, une vision misérabiliste et négative de
l'Italie. A une époque, où l'on continuait à aimer dans la péninsule les films dits "à téléphone blanc" (parce qu'à un moment ou à un autre du film sonnait un téléphone de cette couleur, dans un
appartement bourgeois de préférence), il n'était pas de très bon goût (artistique bien sûr) d'évoquer les malheurs du temps et notamment ceux qui les subissaient le plus : le petit peuple, qui
devait se lever tôt pour coller des affiches dans les rues de la capitale romaine. Ainsi, peut être faudrait-il plus parler du Voleur de bicyclette non comme d'un film
néoréaliste, même s'il est en grande partie interprété par des acteurs non professionnels et tourné en extérieur (deux grands principes de ce courant), mais bien comme un film politique,
dénonçant les silences et les souffrances d'une partie de la population italienne, sommée d'oublier rapidement les malheurs auxquels elle avait été confrontée.