A l'occasion de l'étude de l'enracinement de la République en France à la fin du XIXe siècle, il est intéressant de revenir sur le rôle de l'école dans la formation
du petit citoyen français, grâce à ceux qui furent surnommés par Charles Péguy, les hussards noirs de la République, dans un article en 1913. Et voici l'écrivain qui nous livre une description
émue de ces héros ordinaires, dans le contexte des lois Ferry du début des années 1880 : "De tout ce peuple les meilleurs étaient peut-être encore ces bons citoyens
qu’étaient nos instituteurs. Il est vrai que ce n’était point pour nous des instituteurs, ou à peine. C’étaient des maîtres d’école.
(...) Parlons bien : ils venaient nous faire la classe. Ils étaient comme les jeunes Bara de la République. Ils étaient toujours prêts à crier
Vive la République ! – Vive la nation, on sentait qu’ils l’eussent crié jusque sous le sabre prussien. (...) Nos jeunes
maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes ; sévères ; sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine
omnipotence."
Pour former ce personnel laïc, on eut recours aux écoles normales de garçons (pour les instituteurs) ou de filles (pour les institutrices), qui furent un
maillon essentiel dans la prise en mains de l'enseignement par la République. Pour répondre à une question qui m'a été posée cet après midi, l'expression "école normale" ne vient pas de la IIIe
République mais de la période napoléonienne où on avait créé ce type d'école pour former des maîtres. Mais jusqu'aux années 1880, l'éducation était surtout une mission dévolue aux religieux, les
jésuites en particulier.
Une très célèbre photographie d'un hussard noir entouré par ses élèves autour du
tableau noir où figure une merveilleuse leçon d'instruction morale et civique.
Il y a une quinzaine d'années, j'avais récupéré aux Archives départementales de la Loire, une excellente publication signée Paul Beaujard, sur
L'établissement du certificat d'études primaires dans le département de la Loire (1876-1886). Le certificat d'études était l'examen qui couronnait la fin des études primaires. Le nombre
de candidats le présentant avait progressé sur cette dizaine d'années mais son obtention n'était pas forcément chose aisée, la République ne bradant pas ses examens ! Ainsi, en 1886, le canton où
la réussite fut la plus grande, fut celui de Chazelles sur Lyon, où 92% des élèves décrochèrent l'examen, mais les résultats furent beaucoup moins glorieux à Saint Bonnet le Château (36% de
reçus) et à Roanne (34% !). Quant à l'âge des candidats, il était très variable, en 1886, à Saint Etienne, l'âge variait de 11 ans... jusqu'à plus de 16 ans !
Mais, au-delà des résultats, c'est surtout l'esprit de l'école républicaine que les archives des années 1880 permettent de retrouver. Il en va notamment des
sujets d'examen de ce fameux certificat d'études, particulièrement instructifs.
Sujets de rédaction pour l'année 1886 :
"On se prépare à célébrer en France le centenaire de 1789. Expliquez, dans une lettre, pourquoi il est juste de préparer une grande fête nationale en
l'honneur de cette année." (notes : en dictant le texte, on pourra expliquer aux élèves le sens du mot centenaire).
"Dites comment un jeune garçon se conduit : 1°/ à l'école, 2°/dans les rues, 3°/ à la maison".
Sujets d'arithmétique pour l'année 1878 :
"La balle du fusil Chassepot pèse 25 grammes. Combien en fabriquerait-on avec trois quintaux de plomb, si l'on admet que le
déchet résultant de la fonte du plomb soit de 3% ?"
"Pour ensemencer un hectare de terre, il faut environ 150 litres de blé. Calculer d'après cela le prix de l'ensemencement de 9
hectares en supposant le prix du blé de semence égale à 25 fr.40 l'hectolitre."
De bien beaux sujets, qui ne manqueront pas d'inspirer un
professeur à la recherche de sujets... de composition en 2013 !