Je ne sais plus qui avait un jour écrit ou dit (Fabrice Lucchini ?) qu'on pouvait relire L'éducation sentimentale de Flaubert à tout âge de la vie et y trouver à chaque fois des éléments nouveaux qui en faisaient varier l'interprétation et le sens que prenait pour nous le roman, mais il en ira peut-être de même du film d'Almodovar, Volver, que diffuse D8 dimanche 28 avril à partir de 20 heures 50. Comme le titre l'indique, Volver est bien une histoire de revenants ou plutôt de revenante mais c'est aussi, comme Tout sur ma mère, le plus grand film qui soit sur les femmes et la filiation.
Volver s'ouvre sur le nettoyage d'un tombeau d'un cimetière de la Mancha, la région natale du réalisateur dont on nous dit que le vent qui souffle rend fous les gens. A partir de cet étrange prologue, le ton est donné : tout le film s'organisera autour du thème de la rencontre entre le monde des morts et celui des vivants. Mais, le génie d'Almodovar est d'arriver à évoquer les idées les plus métaphysiques avec un sens du récit et parfois du burlesque les plus accessibles qui puissent exister. Ainsi, Almodovar nous fait-il constamment passer le message, y compris en le mettant en scène, que le cinéma est finalement le seul art qui permet de changer la vie (voir notamment le restaurant de Raimunda investi par une équipe de tournage).
Le film est aussi, après un détour dans un univers masculin (Parle avec elle, La mauvaise éducation) un film d'actrices : Carmen Maura (Irene), Penelope Cruz (Raimunda) et Lola Duenas (Sole, la soeur de Raimunda). A leurs interprétations magnifiques, s'ajoute celle de la jeune Yohanna Cobo dans le rôle de la fille de Raimunda. La perfection de l'interprétation éclate notamment au moment où Raimonda entone la chanson Volver,pour plaire à sa fille. Elle interprète en fait cette chanson que sa mère lui avait fait apprendre. Almodovar filme alors, en contrechamp, les yeux heureux de sa fille mais aussi, dans un autre contrechamp, sa mère qui l'écoute en face du restaurant dans un taxi. Trois générations de femmes, de mères ou de futures mères réunies par le chant de la vie.
ll existe une catégorie de films qui n'appartient qu'à chacun ; ceux qui nous ont touchés et que l'on aime revoir et revoir sans cesse, notamment lorsque la télévision nous en offre l'occasion. Et si Volver de P. Almodovar réalisé en 2006 faisait partie de ceux-là ?