Coup de corps
Les films de Claude Miller sont souvent marqués par l'obsession du passé, comme Dites lui que je l'aime, sans doute son chef d'oeuvre. Il en va de même avec cette adaptation d'un roman de Philippe Grimbert, Un secret, où surgit également le spectre de l'Histoire et de la mémoire de la Shoah.
Diffusé ce jeudi 27 mars par France 3 à 20 heures 45, Un secret de Claude Miller est considéré par les critiques comme une bonne adaptation d'un roman publié quelques années plus tôt par Philippe Grimbert et qui avait obtenu un incontestable succès, notamment auprès du jeune public, puisqu'il fut lauréat du Prix Goncourt des Lycéens en 2004.
Roman quasi autobiographique, il narre l'histoire de François Grimbert, jeune enfant fragile, protégé par un couple de parents aimants, persuadé d'avoir un frère beaucoup plus fort et robuste que lui, qui est si éloigné par sa morphologie et par son tempérament de ses athlétiques parents, Maxime (Patrick Bruel) et Tania (Cécile de France).
Comme l'indique le titre, cet enfant, devenu adolescent, finira par percer le coffre fort d'une histoire familiale encore bien plus douloureuse qu'il l'imaginait.
Adapter au cinéma un roman aussi fort et poignant, récent de surcroît, n'est jamais chose simple. L'histoire écrite par le psychanalyse Philippe Grimbert était déjà d'une très forte intensité, la mettre en images pouvait conduire à l'édulcorer ou à verser dans un cinéma démonstratif souvent écoeurant surtout lorsque l'on aborde certaines parties de l'histoire (voir La Rafle par exemple).
La force du film de Claude Miller repose sur le fait d'avoir choisi un véritable parti-pris qu'il avait d'ailleurs brillamment exploré dans un film précédent, La petite Lili, celui de suivre les corps de ses personnages pour mieux nous permettre de sentir leurs tourments et sentiments. C'est incontestablement la plus-value du film par rapport au roman qui vise évidemment avant tout la psychologie.
Du corps parfait de la nageuse Tania, du corps sculpté du père Maxime, à celui qui, à l'inverse, s'éteint peu à peu jusqu'à disparaître d'Hannah (Ludivine Sagnier) en passant par celui fétiche et comme noué du jeune François, toute la mise en scène permet, au sens propre du terme, d'incarner l'intrigue et de révéler le terrible secret qui donne son titre au film.
Symboliquement, la révélation viendra d'ailleurs d'un personnage lui-même marqué par son enveloppe corporelle, la voisine et amie, Louise, interprétée par Julie Depardieu, confirmant ainsi l'adage selon lequel que, contrairement aux mots, les corps ne mentent jamais.