Mauvais sang
Lorsque un cinéaste de renom se lance dans l'adaptation d'un des plus fameux best-steller du genre fantastique, cela donne Dracula de Bram Stocker par Francis Ford Coppola. Une oeuvre deux fois majeure !
Arte a fait le choix de nous plonger dans un bain d'hémoglobine ce lundi 31 mars avec une diffusion de Dracula, réalisé il y a une vingtaine d'années par Francis Ford Coppola, à partir de 20 heures 45. On trouvera facilement sur des sites de partage vidéo la bande annonce du film qui en donnera la teneur et mettra en valeur la prestigieuse distribution (Gary Oldman, Anthony Hopkins, Keanu Reeves mais aussi et surtout Wynona Rider dans un double rôle). Comme le montrent le début et la fin de cette bande annonce, le film de Coppola est d'abord et avant tout la mise en images du roman de Bram Stocker, ce que rappelle son titre original.
Pourtant, derrière la modestie apparente du cinéaste, l'objectif est beaucoup plus qu'une plate illustration d'un roman phare de la littérature fantastique. Son parti pris, justifié par l'exploitation déjà importante de la figure du célèbre vampire au cinéma, est de privilégier la dimension sentimentale et tragique du récit en présentant l'épopée sanguinolente de Dracula comme un moyen de (re)conquête de sa bien aimée, Elisabeta (Winona Ryder), qu'il croit reconnaître, des siècles après, à travers le visage de Mona (également interprété par W. Ryder). Mais Coppola nous ballade à travers l'histoire et aussi à travers l'art, passant du XVe siècle à la fin du XIXe siècle, en nous perdant dans des décors d'inspiration gothique, baroque, romantique... pour finir par nous faire revivre les premiers pas du cinéma, art auquel il rend aussi hommage.
Dracula, malgré une débauche, parfois un peu tape-à-l'oeil, de décors et d'effets spéciaux, et qui l'éloigne diamétralement des Nosferatu de Murnau ou Herzog, est d'abord une oeuvre d'une très forte puissance visuelle. Contrairement aux deux films évoqués précédemment, Coppola ne recherche pas la suggestion mais plutôt l'emphase et la représentation symbolique (voir notamment la présence d'un loup blanc pour certaines scènes-clé). En cela, il utilise ce que le cinéma peut apporter de plus à la littérature : la force de l'image qui hante longtemps l'esprit des personnages... et des spectateurs.